En liaison avec la thématique du Corps initiée par l’Espace Culture pour l’année universitaire 2013/2014, la Société Photographique des Universités de Lille a choisi de témoigner sur les pratiques corporelles contemporaines, tout particulièrement les tatouages et les piercings. Les premières séances de prises de vues ont vite (dé)montré que les modèles ne concevaient jamais une décoration charnelle comme un acte de consommation convenu en référence à une mode. Tout tatouage, tout piercing a une histoire, et d’abord une histoire personnelle, singulière, intime. D’où le titre du projet, qui se réfère évidemment à ce que suggère le film éponyme de Pedro Almodovar « la piel que habito ». Mais un autre titre, au moins aussi pertinent, est possible : « la peau que je suis », qui se réfère aux cultures asiatiques pour lesquelles toute personne est une peau quand les langues occidentales proposent naturellement la locution avoir une peau. Ainsi cette exposition photographique défend l’idée que la peau peut être une construction mentale, psychologique, anthropologique, sociologique, historique, voire politique.

L’étendue du sujet n’est qu’effleurée par la présentation de 41 œuvres recouvrant deux pratiques photographiques bien distinctes : le reportage et le portrait de studio.

Le reportage de Madjid Anzar montre sur le vif comment les mariages maghrébins célébrés en France se réapproprient en les détournant les codes des tatouages ancestraux dont la vocation originelle était de situer les individus dans le groupe social.

Les portraits de studio exposent des volontaires de tous âges, de tous sexes, de toutes professions, bref des représentants de la société civile. Les photographes de la SPUL ont adopté un protocole immuable. Les modèles étaient d’abord interviewés pour répondre à la question « quelle est l’histoire de votre tatouage ? ».

Les prises de vue mettaient en scène leurs motivations tout en respectant la volonté d’anonymat. Cette approche particulière est soulignée par l’adjonction d’un dispositif sonore aux tirages photographiques afin que les spectateurs disposent de repères oraux. Les QR codes placés sous les portraits permettent d’accéder aux fichiers-sons dans lesquels les modèles racontent l’histoire de leurs transformations corporelles.

La réalisation de cette exposition doit avant tout être attribuée aux modèles-volontaires (merci à Charlène, Charly, Christophe, Circé, Dominique B., Dominique H., Jean-Baptiste, Joséphine, Nicolas, Virginie, Virginie W., Yan, ainsi qu’à Madjid Anzar) dont les témoignages, souvent émouvants, ont marqué les photographes ayant participé à cette expérience. Elle doit beaucoup à la collaboration avec Radio Campus – René Lavergne en tête – où l’on trouve de grands spécialistes du traitement du son. Enfin, on ne répètera jamais assez que la passion photographique trouve sur le campus de Lille 1 l’appui indéfectible du SEMM et de l’Espace Culture.